Au terme d’une course âprement disputée de bout en bout, Ian Lipinski a pris la deuxième place de The Transat CIC ce vendredi, derrière l’Italien Ambrogio Beccaria. À 8h08, le Class40 Crédit Mutuel a coupé la ligne d’arrivée au large de New York après 11 jours et 18 heures de course.
De la performance, de la pertinence, de la souplesse d’esprit et un engagement sans faille. C’est à ce prix que Ian Lipinski a brillé lors de sa première Transat CIC. La légendaire Transat, que Éric Tabarly a fait sienne en 1964 et 1976, portant la course au large en solitaire au firmament de la voile française, est de toutes les courses transatlantiques celles qui propose les schémas météo les plus ardus.
La ligne franchie, le skipper du Class40 Crédit Mutuel a déclaré : « En solitaire, sur une course comme celle-là, les erreurs se paient en dizaines de milles. Celui qui gagne, c’est celui qui a fait le moins d’erreurs. Je tire mon chapeau à Ambrogio, qui signe une nouvelle grande victoire. Ce qu’il écrit est assez grand, il faut savoir souligner ça, il est un grand champion de la course au large, clairement. J’ai vraiment une pointe de déception parce qu’il y avait la place de faire mieux, mais c’est la belle deuxième place d’un animateur de la course. J’ai été plusieurs fois en tête, je pouvais encore viser la victoire jusqu’à peu avant la ligne d’arrivée. »
Pour Daniel Baal, président de Crédit Mutuel Alliance Fédérale, « Ian a une nouvelle fois démontré tout son brio en course et ses déclarations à l’arrivée témoignent de ses qualités humaines indéniables. Aux avant-postes puis en tête, défendant chèrement sa position, il s’est battu jusqu’au bout pour accrocher un nouveau podium à l’arrivée, le 11ème pour lui et son Class40 Crédit Mutuel. On a coutume de dire parfois en sport que seule la victoire est belle, la course au large et cette transatlantique mythique ont démontré que tous les skippers engagés sont des champions hors norme. Ils méritent un véritable respect pour avoir osé défié l’Atlantique par la face nord. »
Cette 15ème édition n’aura donc pas failli à la légende et restera dans l’histoire de la course. Peu après un départ de rêve depuis Lorient dimanche 28 avril, la flotte des Class40 a rencontré sa première dépression, dressée sur la route de l’Irlande, puis ses premiers calmes, au coeur du système dépressionnaire qui remit rapidement des vents soutenus sur la route des marins. En un peu plus de 48 heures, les solitaires avaient déjà rencontré trois variations météorologiques et bien plus d’irrégularités, si bien qu’ils n’avaient pas trouvé l’opportunité de dormir – ou si peu.
Dès les premières heures de course, Ian Lipinski s’était placé à l’avant. Des choix judicieux lui ont permis de dessiner une trajectoire idéale pour son Class40 Crédit Mutuel 158, mis à l’eau en 2019, « formidable de polyvalence », comme se plaira à le rappeler le skipper. Si Ambrogio Beccaria rend la réplique avec grand talent, Fabien Delahaye et Nicolas d’Estais connaissent quelques déboires et cèdent du terrain. Au fil des jours, le duel entre les deux amis – ils ont navigué ensemble à bord du Class40 Crédit Mutuel – se met en place. Les contrariétés ne manquent pas, pourtant. Un départ au vrac survient dans 35 noeuds de vent, couchant le bateau, immisçant un bout dans le système de safran – Ian trouvera une solution ingénieuse, faite d’une corde et d’un seau, pour libérer l’appendice ; au plus fort de la fatigue, il tombera de sommeil au bout d’une semaine de course, sans avoir mis le réveil. Le skipper italien parvient à creuser son avance ? À deux jours de l’arrivée, Ian Lipinski réussit à recoller à son tableau arrière en négociant un petit peu mieux la zone anticyclonique qui barrait la route vers New York. Dans le sprint final, Alla Grande Pirelli, le bateau récent du skipper italien, permet à ce dernier de reprendre l’avantage sur la vitesse pure et de succéder, au palmarès de la Class40, à son compatriote Giovanni Soldini, vainqueur en 2008 et à Thibaut Vauchel-Camus, victorieux en 2016.
« La course n’a pas été aussi raide que ce que j’ai pu imaginer dans les pires scénarios, mais elle a été très dure quand même », commente Ian Lipinski qui ajoute, en grand fan de rugby : « Comme aurait pu le dire Antoine Dupont, " On le savait, le contact allait être rude, on a mis beaucoup d’abnégation ». Et précise, plus sérieusement : « Ce qui est bien avec nos histoires de bateau, c’est qu’à chaque fois, on a l’impression de débuter, de recommencer, de faire de nouvelles erreurs. Et,à chaque fois, on en extrait le plein d’expérience. J’ai appris des choses que je suis parfaitement capable de décrire de manière explicite, et j’en ai appris qui sont plus implicites, mais qui me serviront pour la suite. »
Pour Ian Lipinski, cette deuxième place a valeur d’or. Pour son avant-dernière course à bord du Class40 158, le marin signe son 11èmepodium en 14 courses. Un palmarès édifiant pour ce tandem, à qui il reste encore une chance de briller. Ce sera en juin, dans le cadre de la Transat Québec – Saint-Malo.